1 Démarche COQ
1.1 Historique
Qualité, mauvaise qualité, iceberg des coûts
Les définitions du mot qualité sont multiples. Quelques exemples :
- conformité aux exigences, Philip Crosby
- tout ce qui peut être amélioré, Masaaki Imai
- pertinence pour l'utilisation, Joseph Juran
- aptitude à satisfaire le client, Kaoru Ishikawa
- aptitude d'un ensemble de caractéristiques intrinsèques à satisfaire des exigences, ISO 9000 : 2005, § 3.1.1
- absence de défauts, Joseph Juran
- être fier de son travail
- faire bien du premier coup et tout le temps
Dans le code du roi de Babylone Hammurabi (1730 avant J.-C.) on trouve l’une des plus anciennes traces écrite d'exigence qualité :
- si un architecte construit une maison et un des murs tombe, cet architecte affermira ce mur à ses propres frais
- si un architecte construit une maison et la maison s'écroule et le maître de la maison est tué, cet architecte est passible de mort
Pour être un pas devant ses concurrents gérer la qualité n'est pas toujours suffisant. Mais connaître ses coûts liés à la qualité et réussir à les réduire est souvent un grand avantage.
La maîtrise des coûts et la maîtrise de la qualité sont les deux faces d'une même médaille. Kaoru Ishikawa
La maîtrise de la qualité passe par l'évaluation des coûts et des gaspillages. La manière la plus simple de mesurer la qualité (notion abstraite pour certains) c'est de trouver combien nous coûte la non-qualité.
Si vous ne pouvez le mesurer, vous ne pouvez le maîtriser. Peter Drucker
L'un des premiers à utiliser l'expression "maîtrise totale de la qualité" (Total Quality Control) et de classer les coûts de la qualité est Armand Feigenbaum dans les années 50 du siècle dernier. Il s'attaque avec succès au mythe qu'obtenir une meilleure qualité engendre des frais très élevés. Il développe le concept de l'usine fantôme (cachée) qui corrige les erreurs de l'usine officielle (jusqu'à 40% de la production). Feigenbaum divise les coûts opérationnels de la qualité en deux principaux domaines ayant chacun ses deux segments :
- maîtrise :
- prévention
- détection
- défaillance :
- interne
- externe
Un des pères fondateurs de la qualité Joseph Juran parle de coût de pauvre qualité (cost of poor quality) ou de coûts imputables à une mauvaise qualité. Il pense que ces coûts sont de "l'or dans la mine" (gold in the mine) et n'attendent qu'à être extraits. Juran classifie les coûts en 4 catégories :
- défaillances internes
- défaillances externes
- mesure de la qualité
- prévention
Un autre père fondateur de la qualité, Philip Crosby, dans son ouvrage le plus connu "La qualité, c'est gratuit", consacre un chapitre au coût de la qualité (Cost of quality, ou COQ). Il divise le COQ en coûts :
- de prévention
- d'évaluation et
- des échecs
En 1986 AFNOR publie un fascicule de documentation ("FD X50-126 - Guide d'évaluation des coûts résultant de la non-qualité") dans lequel la classification de ces coûts est la suivante :
- anomalies internes
- anomalies externes
- détection
- prévention
Selon James Harrington les coûts directs de pauvre qualité (direct poor-quality costs) sont divisés en trois éléments :
- coûts contrôlables
- coûts résultants et
- coûts d'équipements
Harrington inclut dans les coûts contrôlables les coûts de prévention et d'évaluation, tandis que les coûts d'erreur interne et d'erreur externe font partie des coûts résultants. Le résultat est une impressionnante liste de 364 types de coûts !
Plus tard, en 1999, l'AFNOR publie le fascicule de documentation FD X50-180 "Défauts de contribution - Défauts liés à la non-qualité du travail dans la création et l'utilisation de la valeur ajoutée". La logique de cette démarche repose sur le parcours montré en figure 1-1 :
Figure 1-1. Les défauts de contribution
L'article 4 porte le titre révélateur : "Comment améliorer les performances de l'organisme ?". Une des réponses est dans les efforts pour réduire les 20 défauts de contribution identifiés et classés dans 3 catégories :
- défauts dans la création de valeur ajoutée par perte de chiffre d'affaire potentiel
- défauts dans la création de valeur ajoutée par consommation excessive en provenance de tiers
- défauts dans l'utilisation de la valeur ajoutée
Une autre représentation est de diviser les coûts d'obtention de la qualité en coûts visibles et cachés (cf. figure 1-2).
Figure 1-2. L'iceberg des coûts
Des auteurs parlent de coûts directs et coûts indirects, de coûts productifs et improductifs et aussi de coûts relatifs à la qualité et de non-qualité. Certains coûts sont parfois difficiles à catégoriser comme :
- pertes :
- de marché
- de clients
- de renommée
- opportunités manquées
- ruptures de stocks
- stocks excessifs
- surconsommation :
- d’énergie
- de matières
- absentéisme
- accidents du travail
Notre préférence est pour coûts d'obtention de la qualité avec l'acronyme COQ et le classement en 4 catégories :
- prévention
- détection
- non-conformités internes et
- non-conformités externes
1.2 Bienfaits
Bienfaits de la maîtrise des coûts
Ce n'est pas par hasard que le COQ est nommé outil stratégique, car maîtriser ses coûts d'obtention de la qualité permet :
- d'identifier et de mesurer le coût des gaspillages
- d'éliminer les gaspillages
- d'améliorer la communication en interne :
- sensibiliser et responsabiliser le personnel
- rendre la qualité chiffrable et compréhensible
- de mesurer le succès de la démarche d'amélioration continue
- d'analyser l'efficacité des processus
- de prendre des décisions fondées sur des faits incontestables
- de définir les priorités en connaissance de cause
- de favoriser les mesures préventives
- de réaliser des économies insoupçonnées
- d'augmenter les profits
- de mieux comprendre les résultats financiers
- d'être un pas devant la concurrence et en fin de compte
- de satisfaire encore mieux les clients
Une des exigences des participants dans la chaîne de l'industrie automobile est l'évaluation régulière des coûts de la non-qualité (ISO/TS 16 949, 5.6.1.1).
Mais le COQ ce n'est pas :
- une démarche d'éradication de tous les coûts liés à la qualité
- un projet à court terme
- chercher les responsables (coupables) des coûts
- utiliser des données contestables
Comme on voit sur la figure 1-3 les coûts des non-conformités augmentent sur une échelle logarithmique par rapport à l'étape de leur découverte. Maîtriser les coûts c’est anticiper les problèmes le plus tôt possible (manager en amont).
Figure 1-3. Le coût des non-conformités par rapport à la durée de vie du produit
1.3 Etapes
Les étapes de la démarche COQ
Les préalables à la démarche COQ sont :
- l'implication totale de la direction
- le pilote du processus COQ est nommé
- un état des lieux est réalisé
- une étude de ce que fait la concurrence ("benchmarking") est effectuée
- une volonté partagée d'amélioration continue est en place
- le système de suggestions du personnel est rodé
La mise en place de la démarche maîtrise des coûts d'obtention de la qualité (COQ) passe par quelques étapes (cf. figure 1-4).
Figure 1-4. Etapes du COQ
L'étape 1 est l'engagement (ferme) de la direction qui est pleinement impliquée dans la démarche COQ. La direction est le principal client des résultats du COQ et sa participation active et régulière aux réunions est tout à fait indispensable. Le domaine d'application (entreprise entière, filiale, atelier, service, processus), la procédure COQ et la méthode de calcul des coûts sont établis. Le pilote du COQ est nommé. Les objectifs sont fixés.
L'étape 2, la collecte des données, se passe pendant la réunion COQ. Les coûts de tous les services sont établis auparavant et maintenant sont présentés, commentés et enregistrés.
L'étape 3 est le moment d'analyser les données, de chercher l'optimum du COQ, de classer les coûts par priorité (diagramme de Pareto).
L'étape 4 est l'activité d'identification des causes premières des coûts les plus importants (méthode des 5 P, diagramme d'Ishikawa).
L'étape 5 consiste à planifier les actions pour diminuer les coûts, nommer les responsables et fixer les délais.
L'étape 6 est la mise à jour des indicateurs COQ dans le tableau de bord.
Le cycle PDCA et les activités du COQ
Le cycle PDCA, appelé aussi cycle de Deming, s'applique à la maîtrise de tout processus. Les cycles PDCA (de l'anglais Plan, Do, Check, Act ou Planifier, Dérouler, Comparer, Agir) sont une base universelle de l'amélioration continue (cf. figure 1-5).
Figure 1-5. Le cycle de Deming
- Plan – Planifier, définir et établir la démarche, le rôle de la direction, le domaine d'application, les objectifs, les actions
- Do – Dérouler, organiser la réunion COQ, la collecte des données, le calcul des coûts
- C - Check – Comparer, vérifier les objectifs, trouver un optimum du COQ, examiner les suggestions, chercher les causes premières
- A - Agir, ajuster, adapter, réagir, tenir à jour le tableau de bord, diffuser les indicateurs, lutter contre les gaspillages
Minute de détente. Jeu : Bienfait
1.5 Rôle de la direction
Engagement de la direction
Un escalier se balaie en commençant par le haut. Proverbe roumain
L’engagement total de la direction pour le succès de la démarche de maîtrise des coûts est primordial. Pour cela la direction ne divise pas ses responsabilités car responsabilité divisée veut dire que personne n’est responsable.
La responsabilité ne peut pas être partagée. Robert Heinlein
La direction est l'animateur essentiel du processus appliquer le COQ (cf. figure 1-6).
Figure 1-6. Le processus appliquer le COQ
Pour obtenir le succès de la démarche COQ la direction assure les conditions nécessaires :
- les principes et catégories COQ sont compris et acceptés par tous (communication interne réussie)
- la procédure COQ est mise à jour et appliquée strictement (cf. annexe 01)
- tous les services collectent régulièrement les informations des différents coûts
- le personnel devient conscient du coût des différentes non-conformités
- des objectifs annuels COQ sont fixés
- les indicateurs COQ sont :
- établis
- mesurés
- suivis et
- illustrés (tableau de bord)
- les plans d'actions sont mis en place et suivis
La langue de la direction est le dollar. Joseph Juran
Pour être compris par la direction le meilleur moyen est de parler leur langue : en euros !
La démarche COQ a comme objectif l'amélioration de la qualité. Cette amélioration génère une réduction des coûts, qui provoque une baisse des prix, qui conduit à une augmentation des parts du marché, qui assure un retour sur investissement élevé, qui permet une réduction des coûts, et ainsi de suite (cf. figure 1-7) :
Figure 1-7. La démarche COQ
Quelques exemples d'objectifs de la démarche COQ :
- identifier les opportunités de réduction des coûts les plus importants
- mettre en place les actions préventives
- établir et diffuser les indicateurs COQ
- suivre les indicateurs
- sensibiliser le personnel
- investir dans la prévention
- améliorer la communication en interne
Ne pas oublier que certains dégâts (parfois, hélas, très importants) ne peuvent être quantifiés directement. Par exemple :
- la déception du client
- le manque à gagner
- la perte de prestige (mauvaise image)
Minute de détente. Cf. blague "Manque de communication"